Le Sgraffite

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Le Sgraffite

Le sgraffite, icône bruxelloise

S’il y a une technique décorative iconique en Belgique c’est le sgraffite de la période Art nouveau : une explosion de couleur, dorée et dessin dans les facades des maisons, hotels patriculiers, et commerces. Nous sommes dans un chantier de restauration à l’abbaye Paix-Dieu, Centre des métiers du patrimoine à Amay, Belgique ou on va apprendre comment appliquer cette technique décorative aux murs.

Nous vous invitons à parcourir cette expérience, accompagnés par des artisans-maîtres : Manuel Cardoso, Marc Frognet et Raphaël Pausé.


Manuel Cardoso, prestigieux professionnel et formateur, spécialiste en iconologie,  nous raconte sur l’histoire de la technique, son importance dans l’histoire de l’architecture et le mariage extraordinaire avec l’art nouveau en Belgique.

 

Le sgraffito c’est une  technique décorative par grattage ou incision d’un enduit frais… Il s’agit d’une technique multiséculaire qu’on peut remonter  à la préhistoire puisque c’est de la gravure une des premières techniques artistiques que l’humanité a connu : on a gravé la pierre  ensuite on a gravé d’os, de pottery…

C’est durant la Renaissance italienne que la technique est pratiquée comme un art décor de façade…

La technique arrive en Italie avec la tradition des majoliques à travers des échanges commerciaux avec les Espagnols mauresques à la fin du Moyen Âge . L’italie s’approprie donc pleinement la technique, au départ, pour fabriquer les traditionnels pots à pharmacie  (albarelli), mais l’effusion et la vitalité artistique et intellectuelle de l’époque propulseront le sgraffite sur les façades.

Sgrafitto ceramique

Nous sommes maintenant en pleine Renaissance italienne et notamment à Florence …

renaissance

L’une des plus belles façades de Florence est celle du palais offert par le grand-duc Francesco de Médicis à son amante, Bianca Cappello, après la mort de son mari. Construit (ou rénové, selon certains) par Bernardo Buontalenti, il se trouvait à proximité de sa résidence, le palais Pitti, pour mieux tourmenter sa femme mal-aimée, Jeanne d’Autriche.

Les sgraffites ont été ajoutés par Bernardino Pocetti, un maître de l’art, qui a (naturellement) inclus les « boules » des Médicis et l’écusson du chapeau Cappello (« chapeau » en italien), ainsi qu’une encyclopédie complète des fantaisies de la Renaissance.

Palazzo Medici Riccardi: Cour intérieure / 1445-60 /Photo / Via Camillo Cavour, Florence

Le terme sgraffite est d’ailleurs un héritage de la langue italienne, il vient de sgraffiare qui veut dire griffer qui a donné sgraffiato, donc égratigné. Et c’est une étape essentielle de l’histoire du sgraffite cet ci que se situe à la Renaissance et en Toscane. A partir du XVe siècle, le vieux procédé d’incision évoluera , trouvera pleinement sa vocation dans toutes les phases de l’art florentin et marquera l’image de la ville jusqu’au XVIIe siècle.

Ce développement spectaculaire repose sur une amélioration de la technique, l’évolution vers deux tons (blanc et gris argenté) permettant une plus grande lisibilité du motif à distance et se révélant particulièrement approprié à la décoration des façades. 

Le sgraffite florentine est typiquement bichrome est ce style restera en usage jusqu’à la moitié du XVI siécle. Il sera intiment liée à l’importance croissante donnée au dessin dans l’École florentine. Les sgraffites s’approprieront des façades entières et combineront parfois la technique à deux tons et des médaillons à fresque. Ensuite, la technique s’enrichira des terres, des ocres, enfin des autres pigments et peut rivaliser avec la peinture sur chevalet.

Dans les palais du XVe siècle, nous retrouvons souvent une imitation d’un appareil à briques, soulignant la composition géométrique qui tend à régir l’ensemble de la façade (palazzo Bardi-Busini 1515). La décoration se concentre d’abord essentiellement sur les bandeaux et autour des baies et puis, on assiste à un développement ornemental de plus en plus dense, la façade est entièrement habillée et apparaissent de véritables spécialistes de la décoration en grotesques.

Une des façades les plus spectaculaires en sgraffites est sans contexte le palais Lanfredini de Florence (https://it.wikipedia.org/wiki/Palazzo_Lanfredini)


LES PRINCIPES D’UN SGRAFFITE

La magie du sgraffite requiert plusieurs opérations qui vont de la préparation du mur à la réalisation du décor proprement dit.

Marc Frognet, artisan spécialisé en chaux et restauration de sgraffites, et formateur aussi à la Paix-Dieu nous explique comment se compose un sgraffite pour mieux comprendre chaque étape : 

 

La surface du mur à décorer est enduite de plusieurs couches de mortier (constitué de sable et de chaux) superposées.

  1. La couche d’accroche ou gobetis  

Il s’agit d’une étape essentielle et très importante : elle assure la bonne tenue du sgraffite sur la support de brique.

  1. La couche de dressage 

C’est une couche de ragréage qui égalise la surface du mur (briques).  Elle permet d’homogénéiser le fond, son épaisseur varie de 1 à 3 cm. Sa finition est irrégulière et granuleuse.

  1. La couche de fond, de couleur sombre, teintée de noir ou rouge, est d’une épaisseur de 3 mm a 10 mm, qui va a donner une profondeur, une vibration, typique du sgraffite.
  2. La couche de surface, de couleur claire  (elle n´est pas teintée)  et sur laquelle on reporte le tracé du dessin, est d’une épaisseur tres fin, de 1 à 2 mm.

Le dessin c’est une création originale d’un sgraffiteur ou choisi sur catalogue en atelier, le motif est reproduit à taille réelle sur un poncif ou un calque. Le motif est reporté dans l’enduit frais selon la technique du poncif ou par tracé appuyé à travers un calque. Les contours du dessin sont aussitôt incisés à l’aide d’un grattoir afin de révéler la couche de mortier inférieure.  En décalquant en pointillé puis en grattant le contour d’un dessin, le noir réapparaît pour donner une épaisseur et un volume au trait. 

  1. Partie décorative : peinture en couleurs à la chaux.

Un sillon foncé délimite les différentes surfaces du modèle qui sont ensuite mises en couleur. 

  1. Dorure.  Certains détails peuvent être rehaussés d’or.

Il s’agit d’une technique pour l’extérieur. On applique la feuille d’or à la mixtion, en transfert.  


Quels outils sont utilisés pour graver ? Marc Frognet présent l’outillage pour graver 


La main de l´artisan : Marc Frognet nous montre comment graver un sgraffite : 

Pour graver le motif il faut tenir la lame du couteau ou l’outil choisi à 45 degrés pour orienter le décrochage du mortier. En effet, si on coupe perpendiculairement l’effritement du mortier se fait des deux côtés du trait de coup  

Au fur et à mesure de la coupe, il faut retirer les restes d’enduit avec la lame, épousseter les grains et lisser le trait de coupe avec un pinceau sec. 

Finalement, il faut gratter les restes de mortier et nettoyer les contours de la frise à sec avec la brosse.


Maintenant qu’on connaît les principes du sgraffite, mettons-nous au travail  avec Marc Frognet et Raphaël Pausé qui vont nous expliquer les secrets de l’enduit à la chaux pour préparer le mur avant de gratter. 


Sgraffito: Récapitulatif

C’est le temps de faire jaillir la lumière noire du sgraffite. Nicolo, un des stagiaires du chantier, va nous montrer cette expérience pas à pas. 

L’échantillon 

Pratiquer les gestes et tour de main sur un échantillon pour acquérir de la pratique. Nous avons construit de zéro de petits panneaux avec les couche de fond en noir et la couche finition pour essayer notre premier sgraffite. 

Réaliser les poncifs 

On fait un dessin préparatoire de petite dimension sur lequel on a déjà choisi les motifs et couleurs. On prépare le poncif.  Le poncif est un dessin en taille réelle du sujet réalisé sur du papier kraft épais ou calque, dont les lignes sont percées de petits trous à l’aide d’une roulette dentelée ou d’une aiguille. 

Reporter le dessin en pointillés sur l´enduit 

On pose le poncif sur l’enduit frais et on passe du pigment obscure à travers les perforations du poncif à l’aide d’une poupée. De cette manière on obtient la reproduction exacte du dessin sur l’enduit. 

Une poupée est constituée d’un morceau de tissu fin rempli de pigments  et fermée comme une pochette de la grosseur d’un oignon . On tapote cette poupée sur les lignes perforées du poncif afin de déposer du pigment sur l’enduit et d’avoir tout tracé. 

Cette première esquisse visible permet de guider le grattage 

Gratter 

On incise le dessin dans l’enduit clair encore frais en suivant le tracé des pointillés.

Peindre les motifs en couleur 

Rechercher de teintes, peindres, ombres et lumières

La mise en couleur des panneaux est exécutée selon différentes techniques de peinture. Ici on a utilisé la peinture a secco qui consiste à appliquer une couche de peinture sur un enduit qui a fait pris. Les pigments doivent donc être mélangés à un liant : a tempera, à l’huile, la peinture minérale. Nous avons utilisé ce dernier type. La lait de chaux résulte de l’incorporation d’eau à la chaux, jusqu’à l’obtention d’une matière de consistance fluide à laquelle on ajoutera des pigments selon la couleur souhaitée.  

Avant de peindre le frise de sgraffite, on essaye les couleurs et les nuances pour exprimer les ombres et lumières dans un échantillon pour s’assurer qu’ils obtiennent le résultat souhaité.

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